Douceur et gourmandises à la Maison éclose
La Maison éclose au Jardin botanique de Lausanne, le 27 août 2016
Lorsque Pierre Crevoisier m’a proposé de participer à la Saison II de la Maison éclose, j’ai accepté avec joie. Les auteurs sollicités devaient composer pour cette occasion une nouvelle sur le thème de la gourmandise. Pour mémoire, le thème proposé pour la saison I, en 2015, était « Désirs »- textes publiés aux éditions Encre Fraîche). Après le succès de cette première édition, la Maison éclose ouvrait cette année un nouvelle page sur le thème de la gourmandise. Les auteurs liraient un texte gourmand inédit à un unique auditeur. Après la lecture, une gourmandise inspirée des nouvelles, imaginée par nos artistes cuisinières, Véronique Mooser et Albertine Michellod, et le grand chocolatier Olivier Fuchs, relevée par un des vins d’Eric Petit, du domaine du Cotrable, serait offerte à notre invité charmé d’associer la joie des papilles au plaisir des mots gourmands. Quelle idée savoureuse !
Trois semaines avant la date de reddition des textes, je n’avais toujours rien écrit. Je ne savais de quel côté empoigner le thème « gourmandise ». Ecrire une nouvelle, faire tenir tout un monde en huit mille signes espaces compris : un vrai défi pour moi qui ai tendance à être un peu « prolixe ». J’aime pourtant jouer avec les mots. Ils tournent ma tête, glissent le long de mes bras, chatouillent mes mains, picotent mes doigts. Des phrases, des paragraphes, des lettres qui n’atteindront jamais leur destinataire ; des textes plus ou moins longs, qui s’accumulent dans mon ordi. Personne ne les lira, ni ne les entendra. Je les conserve quelquefois, pensant qu’ils pourraient peut-être servir d’ingrédient à un futur chapitre… sachant par expérience qu’ils finiront victimes d’un clic exaspéré. C’est dans un ancien récit, et dans mon passé de prof, que j’ai glané les ingrédients d’une nouvelle que j’ai découpée et re-tailladée pour le faire tenir au format. L’Assassin a été invité à la Maison éclose.
Le 27 août enfin, nous nous sommes tous retrouvés au Jardin Botanique de Lausanne. Autour de nous, tout n’était que calme, zen, exotisme, volupté, murmurantes fontaines, placides nénuphars.
Les décors des lectures étaient déjà en place. La brocante de l’armée du Salut, avait fourni meubles, lampes, et accessoires. Disséminés ça et là à travers le parc, nos espaces de lecture étaient aménagés : confortables fauteuils, lampes vintage … au milieu des plantes. Tout était prêt pour de belles rencontres.
Photo Anne Bichsel
Sébastien Ribaux, notre metteur en scène, m’avait aidée à préparer ma lecture. Le ton, le rythme, les nécessaires respirations… Combien de fois ai-je lu l’Assassin cette soirée-là… une quinzaine, peut-être plus ? Chaque lecture était une aventure différente. La prise de contact, au lieu de rendez-vous. Le court chemin vers l’espace de lecture, pendant lequel nous nous présentions. L’installation. Je plongeais dans mon gros fauteuil noir, si profond que j’avais du mal à m’en extraire. Les auditeurs prenaient place à mes côtés. Pour écouter, certains fermaient les yeux. D’autres, de profil ou trois quarts face, promenaient leurs regards sur les points de lumière jaillissant ça et là du jardin de plus en plus envoû
tant dans la nuit chaude. D’autres encore me fixaient sans me voir.
La nuit nous a happés.
photos Anne Bichsel
Quelle émotion de percevoir en direct la sensibilité d’une personne venue écouter. Quel plaisir d’échanger ensuite sur les ressorts secrets de l’écriture, les fontaines de l’inspiration.
Mon « majordome » en perruque blanche présentait ensuite la gourmandise sur une cuillère. La sublime ganache chocolat noir/caramel salé élaborée par Olivier Fuchs en lien avec ma nouvelle enrobait si suavement l’assassin….nous en restions sans voix.
La soirée a filé tellement vite qu’elle m’a presque échappé. Il restait tant à faire lorsqu’est arrivé le moment de nous séparer ! Je n’avais pu goûter toute la douceur. Je n’avais pas écouté les nouvelles des autres auteurs. Je n’avais pas eu le temps de découvrir les pâtisseries des quinze autres nouvelles. Toute à mon bonheur de partager mon texte, je n’avais pas savouré une petite brochette de fruits frais, ni goûté un bonbon melon-caramel. Je n’avais pas dégusté un minuscule chou à la crème, ni trempé mon doigt dans un mignon pot de confiture…
J’ai toujours aimé créer des liens, en atelier ou en cours, entre écriture et photos, quelquefois entre paroles et musiques, entre poèmes et parfums, mais je n’avais jamais eu l’idée de réunir des mots gourmands et des pâtisseries. La transversalité des arts, son pouvoir sur l’imagination et surtout sur les sens m’a, cette fois encore, fascinée.
Dans ma voiture, sur le chemin du retour, je poursuivais ma rêverie en imaginant, accroché au-dessus de mon gros fauteuil noir, un de ces tableaux de ripailles néerlandais. Je voyais bien également, posé à mes pieds, un vieux phonographe grésillant, diffusant en boucle cette chanson :
« Je suis le duc de gourmandise, je vous attends en mon palais, entrez douceurs et gourmandises, je suis gourmand, je suis gourmet ».
Pour le plaisir, cliquez ici pour découvrir, la chanson de Michèle Bernard).
Au revoir, la Maison éclose… Merci à tous nos visiteurs.
Merci Pierre Crevoisier, merci à tous les organisateurs, cuisiniers, bénévoles, artistes, auteurs, gourmands et autres passionnés qui ont uni leurs efforts et débridé leur imagination, pendant des mois, pour nous inviter cet unique soir au coeur de la magie.
photo Anne Bichsel
Sophie, le 6 septembre 2016
Quelques photos de cet article sont signées Anne Bichsel.
Retrouvez tous les détails, photos, etc… de l’événement sur le site de la Maison éclose
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